Quatrième course de Cap à l’Est.
Bleu part sur les chapeaux de roue. Lors des trois premières courses de Cap à l’Est, le vent mollasson avait lancé des départs en pantoufles. Au quatrième jour, il s’est musclé pour fouetter les pur-sang de classe PHRF A : Survenant, un J 111 barré par Marcel Côté, Magic Bus, un Farr 40 barré par Louis Poliquin, et Bleu, un Classe 40 barré par Éric Tabardel. Les deux premiers sont des sprinters à la carène effilée, conçus pour le galop. Leurs barreurs sont de fins tacticiens de la régate sportive. Bleu est un voilier océanique ; Éric est un marathonien de la mer. Le profil et le gréement de Bleu se prêtent moins aux nombreux virements de bord et empannages rapides. Chaque manœuvre exige beaucoup de préparation. Le mât est tenu en partie par un gréement textile qu’il faut changer d’un bord à l’autre. À l’intérieur, il faut transférer l’eau des ballasts d’un réservoir à l’autre. Il faut aussi relever l’un des deux safrans qui ne sert pas. Bleu, qui s’était un peu ennuyé dans le petit temps, était bien chaud pour les 110 milles de vent fort. Au départ des autres courses, Bleu avait gardé ses distances pour prendre son élan. « Normalement, on fait des départs assez conservateurs sur les courses de longue distance. On s’assure de partir, car le pire qui peut arriver, c’est une fausse manœuvre. On brise quelque chose, et le travail d’années de préparation peut se finir très abruptement », explique Éric. Le départ est moins important sur 20 jours que sur 20 milles. Mais là, l’équipage de Bleu voulait en découdre. « Pour la dernière course, on a décidé de pousser un peu plus et de rester plus près de nos concurrents sur la ligne de départ. » Alors Bleu s’est pointé l’étrave dans le peloton de tête. 20 secondes. Piqués au vif, les trois bolides de la PHRF A se lancent au coude à coude vers la ligne de départ. L’allure augmente. Ça gueule sur les bateaux. La ligne se rapproche. Encore 15 secondes, 10 secondes. Les officiels scrutent les concurrents aux jumelles, postés sur le pont de ZEN. Encore 5 secondes. La ligne est à quelques mètres. Sonne, maudit coup de corne ! Éric donne un coup de barre dans le vent pour freiner Bleu. Gare à la faute. Ça passe sans casse. Le trio d’enfer franchit la ligne in extremis. Et c’est parti pour 45 milles de portant vers la pointe aux Outardes sur la Côte-Nord, suivi de 10 heures de près serré et salé jusqu’en amont de l’île du Bic et retour sur Rimouski au petit matin. Bleu franchit la ligne d’arrivée en premier, mais sera devancé par Survenant en temps compensé. Propos recueillis par Michel Lopez. Voilier ZEN. Régates de Cap à l’Est à Rimouski Le gros temps est physique. Le petit temps est technique. Les secrets de Survenant. Les deux premiers jours de Cap à l’Est, championnat de course au large du Québec, l’estuaire du Saint-Laurent ressemblait à un lac familial un dimanche après-midi. Un vent anémique qu’il fallait aller chercher à la louche. Survenant, le J 111 de 36 pieds, barré par son propriétaire Marcel Côté de Québec, a bien tiré son épingle du jeu. Nous lui avons demandé de nous révéler ses secrets. « Le secret, c’est d’aller dans une école de voile où l’on vous dit de partir rapidement et ensuite d’accélérer », nous confie M. Côté en riant dans sa barbe d’élégant loup de mer. Patience et vigilance. Il faut être à l’affût du moindre souffle qui fraîchit dans l’oreille, de la moindre risée qui ride le miroir. Faute de vent, on se fait ami avec le courant qui change au fil des heures de marée. La pétole joue sur les nerfs, surtout lorsqu’un bateau rival a trouvé un filon. Le petit temps exige des ajustements constants. Il faut régler les haubans selon le vent. C’est la spécialité de son fils Nicolas qui a appris le métier auprès d’un autre équipier pendant six ans. Tout doit se faire avant le départ. En route, c’est illégal et dangereux. « Les haubans doivent être réglés avec une tension minimale pour que le bateau soit moins raide. » Dans le cockpit, les équipiers sont des chasseurs de vent embusqués. Ils jouent avec la tension des drisses. S’il y a des vagues, ils essaient d’avoir un peu plus de creux. S’il n’y a pas de vagues, ils gardent les voiles les plus plates possible. L’équipier à l’écoute de spi doit laisser filer au maximum sans que le spi se dégonfle. « Au portant, on va donner du jeu dans le pataras pour que le mât s’incline vers l’avant et tire davantage le bateau. » À bord d’un voilier, on n’appelle pas le vent, mais on a hâte qu’il revienne. « Dans un vent constant de 10 à 15 nœuds, tout est réglé. Il s’agit que le barreur donne ses indications au régleur de grand-voile pour dire « j’ai un peu trop de barre, tu peux m’en donner un peu plus ». Par tous les temps, Survenant a fière allure : spi rouge écarlate et voiles noires. « Ce sont les voiles dont on a équipé le bateau il y a deux ans pour faire le Championnat mondial de J 111 à Newport, au Rhode Island. » J’arrête à temps M. Côté avant une description enthousiaste hyper technique. Retenons qu’elles sont en fibre de carbone et quasi indestructibles. Le même type de voiles utilisées pour la Volvo Ocean Race autour du monde. Elles sont plus résistantes et plus légères, entre autres pour diminuer l’angle de gite du bateau au près. Au cours des courses suivantes de Cap à L’Est, le vent s’est levé, tout en caprices, pour permettre à Survenant et à ses concurrents de se payer du bon temps. Propos recueillis par Michel Lopez. Voilier ZEN. Régates de Cap à l’Est à Rimouski. Du 24 au 29 juillet En préparation des régates de Cap à l’Est à Rimouski, Damien De Pas, ex-coureur océanique, est venu donner quelques trucs du métier à Enora Le Borgne et Renaud Pelletier, l’équipage du Mini Pogo Loco, commandité par Wichard.
Damien a participé à la Mini Transat 2001 – 4 200 milles d’Atlantique en solitaire — à la barre de Dingo, le prototype Mini 650 de 21 pieds qu’il avait construit. C’était il y a 16 ans. Damien était très heureux de remonter à bord d’un Mini propulsé par un nordet frisquet et ensoleillé de 10 nœuds, à Rimouski. « Je n’avais pas navigué depuis un certain temps. Me retrouver sur un Mini, ça rappelle des souvenirs. Ça me fait aussi plaisir de participer avec Phillipe Laville, de Wichard, à la promotion du Mini auprès des jeunes, une belle formule pour apprendre la course au large. » Damien a été impressionné par l’efficacité et la complicité des équipiers Enora et Renaud. « Avec Damien, ça nous met en confiance, même si on a déjà bien apprivoisé le bateau. C’était la première fois qu’on mettait le spi. On a pratiqué les étapes de la manœuvre », déclare Enora. L’une des quatre régates de Cap à l’Est compte 110 milles. Damien leur a rappelé les défis de la navigation nocturne. « La nuit, tu perds plus facilement tes repères. Il faut que tout soit un automatisme, que tu saches où sont tes ficelles. Et il y a la fatigue et le froid. » Le Mini 650 est un petit bolide fougueux et surtoilé. Il faut toujours anticiper pour éviter qu’il s’emballe. « Si tu te fais prendre avec un grain sans avoir réduit, tu te retrouves couché. C’est un bateau qui a une grande surface de voilure avec le bout-dehors. Tu te retrouves dans le rouge vraiment vite. Par ailleurs, tout reste petit, tout est à portée de main. Les manœuvres sont simples et rapides à faire. C’est comme un gros dériveur. En proto, tu peux atteindre des surfs à 20 nœuds. » Enora aime ce feeling. « Au portant, tu es soulevé sur la vague, tu flottes. À la barre, c’est le fun. Tu sens le bateau accélérer. Si tu gères bien tes voiles, tu es en contrôle. » La classe Mini de Cap à l’Est compte deux autres Mini 650 : Marie-Zoé et Antidote. Les autres concurrents sont plus aguerris. Mais le duo de Pogo Loco part en mode Maxi. Propos recueillis par Michel Lopez. Voilier ZEN. Au large, la compétition mettra équipement et équipages à rude épreuve. Chaque voilier est inspecté par un agent de la Garde côtière auxiliaire qui s’assure de sa conformité aux exigences techniques de Transports Canada. Le Comité organisateur de Cap à l’Est tient à remercier ces bénévoles de la Garde côtière auxiliaire toujours prêts à porter secours à un navigateur, en course ou en croisière.
Régates de Cap à l’Est à Rimouski.
Du 24 au 29 juillet. Les régates de Cap à l’Est suivent Les règles de course à la voile 2017-2020 édictées par la World Sailing, ainsi que par les Instructions de course du comité de course. Ces Instructions sont spécifiques au plan d’eau du Bas-du-Fleuve et aux conditions dans lesquelles le comité souhaite voir évoluer les concurrents. Le comité de course est formé de trois officiels qualifiés (Jean-Guy Rondeau, Yvon Dubé et Line Dionne) et de Réjean Dubé, l’officiel principal. Ce comité assure la procédure de chaque départ, note les temps d’arrivée et compile les résultats en fonction des handicaps (PHRF) retenus. Régates de Cap à l’Est à Rimouski. Du 24 au 29 juillet. C’est l’estuaire. Beaucoup de locaux l’appellent la mer, parce qu’il est majestueux et, parfois, carrément hargneux. L’estuaire permet de concevoir des parcours de haut calibre. Il offre toutes les conditions de vent et de mer, sans les puissants courants présents à l’embouchure du Saguenay et en amont du fleuve. C’est un plan d’eau idéal pour faire de la course au large. Régates de Cap à l’Est à Rimouski.
Du 24 au 29 juillet. Rimouski a une longue tradition de voile sportive. Le Club de voile de Rimouski a été fondé en 1970 par des passionnés qui voulaient se mesurer sur un plan d’eau qui combine les défis du fleuve et de la mer. Cette année, le Club de voile et la Marina de Rimouski font revivre le grand classique de la voile des années 80 et 90 : le Championnat de courses au large du Québec. Ses régates, les seules courses au large du Québec, attirent des coureurs connus, des skippers de la relève et des mordus de la voile. Venez les encourager. |
Michel LopezDu voilier ZEN, Rimouski ArchivesCatégories |